Hippisme

Tina Moncorgé… 5 questions pour mieux la connaître

Questions à Tina Moncorgé, petite fille de l’acteur Jean Gabin (mais pas que…), qui a eu le coup de foudre pour Le Royaume il y a quelques années, et qui vient d’y poser ses valises après avoir beaucoup voyagé avec toujours comme maître mot le « Cheval » avec un grand C. Au Maroc, elle vient d’obtenir ses couleurs et c’était l’occasion pour notre rédaction de mieux la connaître et de vous donner l’occasion de mieux cerner un personnage haut en couleurs et hautement sympathique qui en général n’a pas pour habitude de mâcher ses mots mais qui aimerait bien apporter sa pierre à l’édifice en s’impliquant dans le monde très fermé et un peu machiste des courses marocaines.

Tina, bonjour, le nom de Moncorgé parle à beaucoup dans le milieu du monde hippique en France, sans doute moins au Maroc, quoique…le public marocain est un public averti et le cheval est partout, ça doit aider lorsqu’on arrive dans ce pays ?

« Sincèrement non, je ne pense pas, le fait de s’appeler Moncorgé ne m’a ni servi, ni desservi, alors il est vrai qu’avec des clients tels que Monsieur Baati, ou Monsieur Karimine, le nom de mon grand-père (Jean Gabin) leur parle plus qu’à d’autres, d’ailleurs ils ont eu l’occasion de discuter cinéma avec maman lorsqu’ils se sont croisés à Deauville (rire)… mais franchement j’aurai pu m’appeler Paul, Pierre, Jacques ou Paul ça aurait été pareil dans la mesure où ce qui m’a le plus aidé, c’est toutes les relations et le réseau que j’ai tissé depuis six ans ici. »

Qu’est-ce qui vous a décidé ou pour quelles raisons vous êtes-vous installé au Maroc ?

« Question beaucoup plus intéressante (rire)… Je suis venue au Maroc, il y a plus de 20 ans, invité par mon ami, Amine Amahzoune. On s’était rencontré à Paris par le biais d’un ami commun et on a tout de suite sympathisé. On est devenu par la suite « copains comme cochon », du coup il m’a invité avec ma meilleure amie de l’époque. On a fait nos valises et on est venu passer une semaine à Rabat, chez Gérard Rivases, qui était premier jockey de Sa Majesté à l’époque et qui était bien évidemment un très grand ami de mes parents. Je dois avouer que dès que je suis descendu de l’avion et que j’ai posé un pied au Maroc, ça a été un coup de cœur dingue. La vie a fait ensuite que j’ai voyagé à droite, à gauche, pour ma formation dans des grands haras et de grosses écuries. Je suis passé chez Godolphin, un an en Irlande, après j’ai été chez Monsieur Royer Dupré mais j’ai surtout travaillé trois ans chez Monsieur Jean-Pierre Dubois dont on connaît l’excellente réussite dans les trois disciplines (trot, obstacle et plat), je crois bien qu’il ne lui manque plus que de remporter l’Arc… Par la suite je me suis installé courtier avec mes « petits clients » en France, Monsieur Memran, ma mère aussi, pour ne citer que ceux-là. Ils me sont fidèles depuis que j’ai ouvert la société Success Bloodstock Agency… Je les adore ! Malheureusement la conjoncture actuelle fait que les choses sont beaucoup moins évidentes et qu’il devient de plus en plus compliqué de gagner sa vie en France, un pays où tu es assommé par les charges. Du coup, je me suis dit, il est temps d’aller voir ailleurs… »

Vous avez longtemps été dans le « courtage », continuez-vous à dénicher quelques « perles » rares pour les propriétaires marocains ?

« Il y a six ans, j’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Baati par l’intermédiaire d’Olivier Benoist qui était son entraîneur à l’époque. On a commencé à lui acheter des chevaux et il est vrai que ça m’a bien motivé pour venir tenter l’expérience dans un pays qui m’avait vraiment marqué à l’époque. On a commencé à gagner des courses et même des bonnes courses avec des pouliches, à croire que je suis bonne qu’avec les pouliches. Monsieur Baati m’a demandé de venir voir à la ferme… on a changé l’alimentation des chevaux, on a fait le tri dans les poulinières, on a réinvesti dans des bonnes juments aux ventes Arqana et c’était parti. On connaît la réussite qu’a eu Monsieur Baati ces cinq dernières années et, par chauvinisme, j’en suis un peu fier et je le remercie chaudement parce que contrairement aux bruits qui courent (rires), on dit que le marocain est têtu, et là ça n’a pas été le cas, nous avons travaillé main dans la main, il a su nous écouter et changer son « fusil d’épaule », quelque chose que je n’aurai sans doute pas pu faire en France. Le résultat aidant, il y a eu SONIC (ZEMMOUR), puis COUSINE CHOCOLAT, s’en sont suivis MIRABELLE, SUCCESS LADY, ZEMMOUR DE GRINE, et puis ma perle, une jument exceptionnelle TATWAN… avec un bémol, je trouve sa fin de carrière pathétique… Mon ex-conjoint ayant trouvé une place de responsable d’élevage ici, j’ai donc décidé de vendre ma maison parce que les opportunités étaient réelles au Maroc, avec de nouveaux clients qui me font confiance à 250%, pour ne citer que Marouane Lahmouch ou la famille Kahhach, ce qui m’a donné l’envie à 40 ans d’apprendre une nouvelle culture et de venir poser mes valises ici. Ce changement m’a grandement apaisée, je suis bien ici et je ne remercierai jamais assez mon ami Amine Amahzoune de m’avoir fait un jour connaître ce pays. Dénicher des chevaux me demandiez-vous ? Je l’espère ! Pour m’aider dans ma tâche, j’ai la chance d’avoir deux très bons amis en France, qui sont une peu mes yeux, j’ai aussi Ludovic Gadbin, un entraîneur en qui j’ai une entière confiance et chez qui j’ai mes chevaux. Tous ceux que nous avons importé que ce soit au Maroc ou au Mali, qui, entre parenthèse, et les gens ne le savent pas, est un pays où il y beaucoup d’herbe, sans doute plus qu’au Maroc, donc j’y ai des clients, notamment un tout jeune propriétaire chez qui les chevaux sont très très bien… Connaissant le budget ici, je me rabats plutôt vers l’achat de chevaux à l’entraînement, et lorsque j’irai en France (trois ou quatre fois par an pour les ventes), j’irai dans les élevages que je connais pour y voir les foal, et ainsi avoir une idée dès le sevrage. J’adore aussi acheter des yearlings directement dans les champs, un endroit qui te donnes la possibilité de voir la personnalité du cheval. Je reprécise par ailleurs, que je n’achète que des pouliches et mes clients le savent parce que les deux mâles que j’ai achetés, qui avaient du papier, en vue d’être étalon, ça ne s’est pas bien passé pour diverses raisons alors qu’avec les pouliches ça a été exactement le contraire. Idem pour le pur-sang arabe, un domaine que je ne maîtrise pas… je laisse ça à d’autres. Je reste dans un domaine qui me passionne depuis toute petite avec ma mère… les croisements. J’ai toujours gardé tous les bouquins qui s’y rapportent, je suis baigné là-dedans depuis mon plus jeune âge et je pense être assez bonne dans ce domaine. J’adore l’élevage, j’adore les croisements, j’adore les juments. On a donc commencé à acheter des chevaux pour Marouane ou la famille Kahhach (SAINT AUBINOISE par exemple) mais il a fallu passer par la quarantaine et heureusement que Monsieur Deschamps (mon transporteur) lui aussi maîtrise son sujet, ce qui fait que pour l’instant, en attendant que les choses bougent avec l’évolution de la crise sanitaire, on croise les doigts en attendant de les voir courir… »

Votre regard avisé peut vous permettre déjà de juger les courses marocaines, quelles sont les points forts et quels sont les points à améliorer ?

« Un long sujet, qui mériterait plusieurs heures mais il est vrai que depuis 20 ans et ma première venue au Maroc, les choses ont bien évidemment évoluées dans le bon sens, notamment depuis une dizaine d’années, époque où la SOREC a repris les choses en main, notamment avec les primes en place avec les éleveurs/propriétaires pour leur permettre de ramener des bonnes souches pour leurs juments et leurs élevages. Le changement est notable depuis quatre cinq ans où le niveau a vraiment augmenté, ça c’est formidable. La meilleure des preuves c’est Monsieur Karimine qui fait voyager ses chevaux même les « nés et élevés » qui vont gagner partout en Europe. Les points faibles, c’est toujours ceux que l’on voit le plus, il y a tout d’abord les pelotons où le niveau des jockeys est hétérogène et certains vont beaucoup trop vite, sans faire respirer les chevaux, sans bien tenir sa place dans le peloton, et souvent au détriment des « ordres ». Quand tu amènes ton cheval au top pour un rendez-vous (et c’est un sacré travail) et qu’un jockey te flingue tout pour ne pas avoir monté aux ordres, c’est dommageable mais bon, on voit ça partout mais un peu trop ici. Pour parler du présent, il faudrait vraiment rouvrir les hippodromes au moins aux propriétaires quand on voit que les grandes surfaces sont ouvertes c’est assez incompréhensible. C’est un cercle peu vertueux, parce que les gens ne peuvent pas jouer, du coup la SOREC ne rentre pas d’argent et les allocations baissent. Tout à fait autre chose, j’ai été marqué il y a deux ans du manque d’effort du Qatar et de leur hôte le Maroc, lors d’une importante journée sur l’hippodrome de Marrakech, où pour résumer vite fait « les petits plats n’étaient pas dans les grands ». C’était l’occasion ou jamais de faire bien les choses lors de cette importante journée consacrée aux pur-sang arabes (Festival Sheikh Mansour) et je peux vous dire que beaucoup de gens présents ont été déçus, il ne faut pas laisser passer de telles occasions. L’accueil des propriétaires, notamment les étrangers, sur les hippodromes est un sujet dans lequel j’aimerai m’investir parce qu’il y a beaucoup à faire en partenariat avec la SOREC, en faisant des courses un vrai évènement. Pourquoi ne pousserions pas plus pour faire venir des femmes sur l’hippodrome même si ces dernières sont de plus en plus présentes, à l’image de Mme Mouna Bengeloun, une personne remarquable, en organisant (rires) des concours de chapeaux ou de tenues, pourquoi pas ? J’ai des idées, car le cheval en tant qu’animal est au cœur de tout au Maroc, et il faut créer l’évènement autour de sa personne, si je puis dire. J’ai des idées pour ça et j’aimerai m’investir pleinement. Je vais même vous donner un scoop, avec certaines de mes amies (ami avec un e) nous sommes en train de monter une écurie de course que de filles et le dossier avance vite en accord avec la SOREC qui, je l’espère nous donnera le feu vert… Il ne nous reste plus qu’à trouver la « bête » idoine ! Une dernière chose et je ne citerai pas de noms mais j’en ai en stock, je trouve honteux et pour moi c’est de la triche, de voir, au terme d’une année où deux jockeys sont au botte-à-botte pour le titre de la cravache d’or, un des deux hériter des montes d’un autre collègue, présent sur l’hippodrome, pour arriver à ses fins. Il faudrait pour l’équité des courses que ce genre de choses ne se reproduise plus. Vous voyez je suis cash et je ne mâche pas mes mots mais c’est juste parce que j’aime ce pays et que j’aimerai le voir franchir un palier même si tout est loin d’être négatif bien au contraire. Dernier point, il faut de la rigueur dans le côté dopage, et ce pour toutes les courses et pas uniquement le jour des grandes courses en professionnalisant les personnels d’écuries pour éviter les accidents et jouer à fond la carte véto. Sinon, à part ça, de belles choses sont à venir j’en suis persuadé… si la crise sanitaire nous donne un peu de mou. »

On vous revoit donc dans quelques temps, une fois que vos couleurs auront passé le poteau en vainqueur…

« Quand j’ai aménagé ici au mois d’octobre et que j’ai tout vendu en France, sauf mes chevaux bien évidemment, ma super poulinière, une part de ma 2 ans et un 3 ans à l’entrainement, je me suis dit, je ne vais pas arriver dans le Royaume les mains vides, du coup je me suis fait un petit cadeau aux ventes d’Arqana en octobre (rires) et je me suis acheté une petite pouliche. On l’a amené ici, et je l’ai mise à l’entraînement chez Thami Cherkaoui sous les conseils d’Olivier Benoist. Un entraîneur très pro où tout est fait comme il se doit. Tout a bien fonctionné les deux premiers mois et après on a eu la bonne surprise d’apprendre qu’elle était pleine alors que je l’avais acheté yearling aux ventes. Du coup, la petite jument est partie pouliner au haras chez Monsieur Bernard. Donc une fois de plus je vais devoir attendre car je n’ai plus rien à l’entraînement. J’en ai donc profité pour faire ma demande de couleurs auprès de la SOREC, qui a accepté ma demande et je les en remercie. J’ai pris des couleurs dites classiques (unies), casaque et toque unie, j’ai pris les couleurs de ma grand-mère que ma mère avait reprises, gros vert toque rose, des couleurs qui se voient dans un peloton (moins que le fluo Karimine mais quand même). Je suis franchement ravie d’avoir eu mon agrément parce que j’ai franchement envie de participer à la vie des courses dans le Royaume et pourquoi pas mettre ma petite pierre à l’édifice, ce que j’ai déjà fait avec ma TATWAN. En guise de fin je dirai que ma plus grande envie à l’heure actuelle est que les hippodromes rouvrent… à bon entendeur salut ! »

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